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source : https://lessoulevementsdelaterre.org/blog/soulevements-des-salaires
Le soutien aux grévistes de la logistique à Gennevilliers
Par le Comité Local Plaine Tempête Soulèvements Banlieue Nord 92-93
Le 18 février 2025, sur le Port de Gennevilliers, centre névralgique de la logistique francilienne, les ouvrier·es de l’entrepôt Geodis se mettent en grève. Pendant une réunion de négociation sur les salaires, leurs dirigeants proposent seulement 35 euros d’augmentation mensuelle. En plein contexte d’inflation et alors que le groupe Geodis réalise des profits monstres depuis la pandémie, la somme est prise comme une insulte. Après des échanges houleux avec l’encadrement, les délégués CGT quittent la table et appellent les ouvrier·es de l’équipe du soir à un débrayage sauvage pour rassembler tout le monde en salle de pause. Une heure plus tard, les camions sont bloqués et l’entrepôt est mis à l’arrêt. Sans préavis, ni réelle préparation, une grève reconductible débute, suivie par 95% des ouvrier·es de la plateforme, exigeant 150 euros d’augmentation quel que soit le poste1. Elle va durer trois semaines et se terminera par une victoire éclatante, dans laquelle des alliances solides se sont construites et ont su jouer leur rôle. Quelques instants après la signature de l’accord, le directeur régional du groupe Geodis demande discrètement à l’un des délégués syndicaux : « Il y a quand même une chose que je ne comprends pas… qu’est-ce que les Soulèvement de la terre sont venus faire dans cette histoire ? ».
Alors que les premiers jours de grève s’écoulent sur le Port, avec le ralliement rapide de chacune des équipes de travail, les Soulèvements de la terre se réunissent à quelques centaines de kilomètres de là, pour l’interlude biannuelle qui rassemble des mandatés de l’ensemble des comités locaux du mouvement. Au programme de la veillée du samedi soir : les alliances avec le monde ouvrier ! Des camarades de la CGT et de Solidaires sont présent·es pour souligner à la fois l’importance des alliances mais aussi pour discuter des limites à dépasser pour rapprocher deux mondes pas si opposés mais souvent éloignés2. Lorsque les comités locaux d’Île-de-France apprennent que l’entrepôt Geodis de Gennevilliers est en grève, on se dit que la mise en pratique ne va pas tarder…
Pendant les semaines qui suivent, une véritable coordination se met en place entre les ouvrier·es Geodis et leurs soutiens. Les militant·es des Soulèvements enchainent les aller-retour sur le Port de Gennevilliers, une des plus grosses zones logistiques de la région, par laquelle transite plus de 10% de tout l’approvisionnement de la métropole. Ils et elles sont accompagné·es par des militant·es de Révolution Permanente, du Poing Levé et du NPA, mais aussi des bases syndicales de la CGT, notamment celles appartenant à l’Union Locale de Gennevilliers ou à l’Union Départementale du 92. Plusieurs rassemblements s’organisent, des blocages se mettent en place, des caisses de grèves se remplissent et des récits circulent en ligne. Entre les étincelles qui ont lancé le conflit, celles des feux de palettes les soirs de blocage, jusqu’à la fête de victoire en fanfare, cette courte période a été aussi dense que réjouissante pour toutes celles et ceux qui ont pris part à l’aventure. Raconter ces vécus, c’est souhaiter qu’ils se reproduisent en d’autres lieux et sous d’autres formes.
La logistique comme champ de lutte partagé
Le lieu est bien un premier élément à prendre en compte. La commune de Gennevilliers, à la frontière du 92 et du 93, est une terre de luttes. Depuis les années 1950 jusqu’à aujourd’hui, cette banlieue a été traversée par des conflictualités fortes, des grandes grèves dans la sous-traitance automobile jusqu’aux émeutes de 2005 et 2023. Le Port de Gennevilliers est aussi régulièrement pris pour cible, que ce soit par celles et ceux qui y travaillent ou bien par le mouvement social qui l’investit comme point stratégique de blocage des flux. L’entrepôt Geodis est un espace central pour ces blocages, par sa taille (jusqu’à 80 000 colis traités par jour et un défilé permanent de camions) mais surtout du fait qu’il abrite une section syndicale CGT solide et déterminée. De la Loi Travail aux mouvements des retraites, en passant par les Gilets-Jaunes et la casse du rail, « les Geodis » se sont fait une certaine réputation dans les mobilisations franciliennes3. Autrement dit, les bases sont solides !
En mai 2024, la CGT Geodis a également soutenu la mobilisation Stop Greendock, contre un projet d’entrepôt géant prévu sur les berges de Seine, juste en face d’une zone Natura 2000, à l’extrémité Est du Port de Gennevilliers. C’est à cette occasion que les premiers contacts se sont forgés entre les syndicalistes et les Soulèvements de la terre. En étant présents aux tables rondes et lors de la manifestation du grand weekend de mobilisation4, les Geodis ont montré que la logistique n’est pas seulement un secteur climaticide et écocidaire, mais aussi une machine à broyer des humains dans des usines à colis. Alors qu’on pourrait s’étonner qu’un syndicat s’oppose à une création d’entreprise, le ralliement de la CGT a finalement été assez rapide. Dès les premières discussions, le projet Greendock a été identifié comme étant porté par un promoteur immobilier (la multinationale australienne Goodman), qui veut en faire un actif financier en le louant à des sous-traitants logistiques, ce qui laisse entrevoir des formes particulièrement dégradées de travail et d’emploi. C’est la spéculation qui est à l’offensive ici et qui s’attaque autant au travail qu’à l’environnement.
Plus qu’une alliance, c’est donc un champ de lutte partagé5 que nous avons en commun, c’est-à-dire un espace où nos interventions conjuguées sont en mesure de peser dans les rapports de force, voire de les faire basculer à notre avantage. La logistique est plus largement un secteur clef pour les luttes sociales puisque la circulation des flux est devenue un maillon essentiel du capitalisme contemporain. Dans les pays occidentaux, près d’un quart des ouvriers travaillent désormais dans ce domaine, ce qui en fait un espace important de lutte des classes. Ajoutez à cela le fait que Geodis est le 1er groupe français de la logistique et l’un des leaders mondiaux dans ce domaine, que l’entrepôt de Gennevilliers est l’une de leurs plateformes les plus rentables, et vous avez toutes les bonnes raisons de venir faire coucou.
Nous sommes toutes et tous des bloqueur·euses
Si ça matche aussi bien avec ces ouvrier·es de la logistique, c’est aussi parce que nous avons un répertoire d’action en commun. Dans l’entrepôt Geodis, le blocage est une pratique bien instaurée qui a souvent servi de préalable et de soutien à la grève. Quelques palettes, une équipe motivée et l’appui du collectif de travail suffisent à paralyser les camions pour quelques heures. Une stratégie efficace puisqu’elle entraine des pertes financières importantes pour l’entreprise, non seulement parce que les flux sont à l’arrêt mais aussi parce que chaque retard entraine des pénalités financières auprès des clients de la plateforme. Même en temps de grève, le blocage reste une nécessité puisque les directions logistiques ont une fâcheuse tendance à payer des paquets d’heures supplémentaires aux intérimaires pour tenter de relancer la machine. Mais attention, cette pratique a un défaut…elle entraine des risques de poursuites judiciaires à l’encontre des grévistes.
Nous n’étions donc pas surpris de voir apparaitre, après une bonne semaine de grève et de blocages, un huissier assermenté devant les grilles. C’est le moment qu’ont choisi les soutiens pour prendre le relais et bloquer eux-mêmes l’entrepôt de Gennevilliers. Le 4 mars, après les traditionnelles prises de parole des grévistes de l’équipe du soir, une équipe de militant·es s’est positionnée devant les grilles pour empêcher les entrées et sorties de camions. Le tas de palettes s’est reformé, une banderole a été déployée et un premier camion a marqué l’arrêt. Au bout de quelques minutes, une belle accumulation de poids-lourds a pris forme, entravant progressivement l’un des principaux axes du Port. Un moment suspendu, qui voyait se mélanger le plaisir du flux arrêté, la joie du travail d’équipe et la tension d’une transgression en acte. Deux heures plus tard, la police municipale a tout de même fini par se frayer un chemin dans les bouchons et des robocops sont sortis des fourgons, flashballs en mains. Loin d’être dépourvu·es, les bloqueur·euses se sont alors abrité·es sous le barnum du piquet et les syndicalistes ont formé une ligne pour les protéger, un mur inamovible de gilets rouges faisant face à la rangée de carapaces bleues. Pour ajouter un peu de confusion, les ouvrier·es ont distribué aux militant·es des gilets fluo floqués du logo Geodis, de telle sorte qu’il devenait compliqué de savoir qui était qui. Lorsque les cadres de l’entrepôt se sont ralliés aux policiers pour ranger les tas de palettes, la ligne de démarcation entre nous et eux était nettement établie.
Ces pratiques d’action directe restent ancrées dans une partie du monde ouvrier, bien qu’elles soient rarement mises en avant. Si les Geodis les affectionnent tout particulièrement, c’est aussi parce qu’elles prennent tout leur sens dans un secteur comme la logistique. Les flux sont fragiles mais aussi mobiles : quand une grève paralyse une plateforme, les gestionnaires font tourner les logiciels pour dispatcher les colis dans le reste du réseau. La CGT Geodis connait bien cette tactique et les moyens d’y résister : il faut pister les colis, repérer les camions et agir en suivant le flux. Pendant le mouvement des Gilets-Jaunes et alors que l’entrepôt était parti en grève, une série de blocage avait déjà été lancé avec des groupes de GJ basés à proximité de plateformes Geodis. Objectif : contrer le détournement des flux6. D’une façon similaire, lors de cette grève de février-mars 2025, des équipes de bloqueur-euses masqué·es, vêtues des gilets rouges CGT, faisaient régulièrement des irruptions nocturnes devant des entrepôts Geodis en Île-de-France pour bloquer les camions. Cette façon de pratiquer l’enquête et de remonter les filières pour viser au plus juste peut rappeler quelque chose. Déjà ancrée dans le mouvement autonome italien7, elle est reprise comme une des stratégies centrales des Soulèvements de la terre8.
Mais ils sont où les écolos…
Et l’écologie dans tout ça ? On peut dire qu’elle était à la fois nulle part et partout. Partout parce que la logistique, c’est des camions et du CO2, des routes et des autoroutes, de l’artificialisation à chaque implantation d’entrepôt, pour ce qui constitue aujourd’hui à la fois l’infrastructure matérielle de la délocalisation et ce qui empêche de relocaliser. Mais aussi nulle part parce que nous n’avons pas eu besoin de préciser tout cela avant de rejoindre les Geodis. Nous considérons comme une évidence stratégique le fait de soutenir des luttes ouvrières offensives et émancipatrices dans un secteur comme celui-ci. Et inversement il serait absurde de faire la morale à ces ouvrier·es parce qu’ils et elles déchargent et conduisent des camions. Sur le piquet de grève, des paroles de défense du vivant, de critique du projet Greendock ou de promotion des contre-projets ont bien émergé, mais ce n’était pas un prérequis à la participation des comités locaux. Les membres des Soulèvements ne se présentaient pas non plus comme des « écolos », ce qui est d’ailleurs devenu une blague sur le piquet, les délégués syndicaux reprenant la formule à leur compte à grand coup de « mais c’est nous les écolos ! ». On pourrait en dire autant de l’antiracisme, qui est une question centrale dans ces luttes quelle que soit la façon dont il est formulé, puisque presque tous les ouvrier·es de l’entrepôt sont racisé·es. Et d’ailleurs, l’un des moteurs de cette division raciale du travail explique aussi la folie des entrepôts géants sur les berges de Seine : la banlieue nord est traitée comme un territoire servant – une périphérie pauvre au service du coeur enrichi de la métropole – et ses habitant·es en subissent les conséquences autant sur leurs lieux de vie que sur leurs lieux de travail.
S’il est toujours appréciable de réfréner les tendances à proférer une écologie bourgeoise et moraliste, il ne s’agit pas pour autant de masquer nos thématiques de lutte pour mieux se faire accepter. Au contraire, un champ de lutte partagé où chacun assume sa position peut vite devenir un véritable terrain de jeu sur lequel s’expérimentent les croisements. Sur le piquet Geodis, les tags qui ont progressivement recouvert la route menant à l’entrepôt illustraient bien cet aspect de l’alliance. Alors que dans les premiers jours on pouvait lire des « Geodis doit payer ! » ou des « Pouvoir aux ouvriers » assez classiques, petit à petit sont apparus partout des « Soulèvements des salaires », un énorme « Reprise des terres / Reprise des salaires » et un obscure « Geodis sera votre Vietnam ». Le barbecue était lui-même devenu un espace partagé, sur lequel les traditionnelles merguez syndicales ont fini par laisser une place aux saucisses vegan, la harissa réconciliant tout le monde.
Tous les piquets de grève n’ont pas cette ouverture, mais partir du principe qu’on vient tel qu’on est, sans arrière-pensées, semble plus judicieux qu’une imitation maladroite des premier·es concerné·es. Cette confiance dans la co-construction et dans le faire ensemble est peut-être un des ingrédients clefs pour construire une écologie par le bas. Soutenir pour soutenir, sans poser de conditions préalables, mais sans non plus masquer qui on est. Ne pas avoir de stratégie préétablies, mais compter sur l'alliance pour faire émerger des stratégies communes. Faire preuve d'humilité tout en ayant de grandes ambitions.
Ouvrir le piquet, socialiser la grève
Assumer qui on est, c’est aussi assumer ce que l’on peut apporter. On pourrait partir du principe – tout à fait juste – que la CGT n’a pas besoin de nous et que les camarades savent très bien mener une grève. Mais ce serait oublier qu’une belle alliance consiste justement à apporter du plus, là où se situent les limites de chacun. Les comités locaux des Soulèvements de la terre ont par exemple une capacité à organiser des rassemblements, à mobiliser des cantines, à contacter des fanfares, ce qui n’est pas évident pour des syndicalistes pris dans le quotidien de la grève. L’usage des réseaux sociaux et des medias, la mobilisation de graphistes, la confection de banderoles, d’affiches et de tracts viennent s’ajouter à cet apport, consistant finalement à diffuser la grève au-delà de son périmètre pour ensuite l’élargir en incluant d’autres forces9. Dans une grève comme celle de Geodis, ce déplacement peut produire deux choses importantes. D’une part il donne un surcroit de légitimité et de confiance aux grévistes, pour qui les enjeux de visibilité et de dignité sont souvent primordiaux. Mais aussi, et peut-être surtout, il effraie les patrons pour qui l’invisibilisation est une force. L’ouverture leur fait peur, non seulement en termes de médiatisation, mais aussi lorsque les thématiques s’agrègent et que plusieurs lignes politiques traversent le piquet. En plus des prises de parole sur l’écologie, on peut citer une soirée pendant laquelle, suite à une prise de parole de Révolution Permanente sur l’anti-impérialisme, les grévistes se sont succédés au micro pour témoigner des ravages opérés par les pays occidentaux dans leurs pays d’origine.
Si c’est surtout la chaleur du piquet et sa puissance politique qui ressort de ces moments suspendus, l’alliance avec les Geodis s’active aussi sur d’autres terrains qui ont permis de façonner des liens en amont de la grève et qui vont permettre de les renforcer dans l’après. Depuis plusieurs mois, le comité local de la banlieue nord construit en effet un contre-projet qui part de l’opposition au projet Greendock mais qui s’est ensuite étendu à l’ensemble du Port de Gennevilliers10. L’idée est de repenser entièrement cet espace, contre une logistique du flux mortifère, mais pour des activités d’approvisionnement vraiment utiles aux habitant·es du territoire et respectueuses des travailleur·euses comme de l’environnement. Les échanges avec les ouvrier·es Geodis ont déjà permis de faire circuler des savoirs essentiels pour comprendre comment le fret ferroviaire pourrait remplacer les camions ou comment des acteurs de la logistique publique et des activités comme la sécurité sociale de l’alimentation11 pourrait remplacer les multinationales de la sous-traitance. L’Union Locale CGT de Gennevilliers et l’Union Départementale du 92 sont parties prenantes, tout autant que Solidaires ou les associations de riverains. Cette dynamique permet à nos luttes respectives de sortir d’un périmètre trop étroit – que ce soit celui de l’entreprise ou celui de l’opposition à un projet nuisible – pour porter un discours de transformation sociale à l’échelle de tout un territoire. Elle nous positionne aussi comme étant forces de proposition à la fois dans la production d’imaginaires politiques et dans la construction de solutions pratiques. Articulés à un contre-projet solide, rassemblant différentes composantes, nos alliances cassent la stratégie patronale consistant à échafauder une opposition factice entre écologie et emplois.
Quand est-ce qu’on recommence ?
On peut parier sur le fait que celles et ceux qui ont participé à cette bataille resteront marqué·es par la force et les émotions qui s’en dégageait. Ramener plus de monde au fin fond d’une zone logistique reste pourtant un défi à relever. Car si les alliances impliquent des déplacements politiques, elles nécessitent aussi des mobilités physiques dans des espaces qui semblent inconnus et lointains, bien qu’ils soient – par ce qu’ils produisent et reproduisent – au cœur de nos existences. Mais progressivement, pour les militant·es locaux, un ancrage prend forme, dans un espace industriel où tout est fait pour empêcher notre présence. Entre les repérages autour du site Greendock, les balades naturalistes à proximité, le soutien à la grève Geodis et les visites du contre-projet…on va finir par bien la connaître cette zone et pourquoi pas se l’approprier un jour. La critique qui a été construite théoriquement autour de l’empire logistique et ses ramifications multiples prend ainsi une dimension concrète : elle se matérialise par des connexions avec des personnes et des lieux qui permettent de penser des actions de résistance et de transformation sociale à différentes échelles.
Une fois sur place, le déplacement n’est pas terminé puisqu’il faut aussi apprendre à faire marcher ensemble le dégout que l’on peut avoir pour des infrastructures mortifères et l’admiration que l’on porte envers celles et ceux qui les font tourner. Et tout cela sans entrer dans un ouvriérisme naïf, consistant à mettre sur un piédestal des héros-prolos sans même envisager pour elles et eux la sortie de cette condition d’exploité. Une partie de la gauche s’enferme dans cette impasse, comme c’est le cas pour la mairie communiste de Gennevilliers qui a exprimé un soutien à la grève tout en en assumant pleinement la notion de zone « servante » pour justifier le projet d’entrepôt géant Greendock. Ce travers misérabiliste revient finalement à dépeindre les ouvrier·es comme des miséreux, à espérer une légère amélioration de leur misère, tout en enfermant – via des projets d’urbanisme – les classes populaires de la banlieue nord dans un avenir de boulots mal payés et pénibles. La banlieue nord vaut mieux que ça et nos contre-projets sont plus malins que ça.
C’est donc aussi une victoire de cette lutte que d’avoir su politiser et visibiliser la question de la logistique dans les banlieues populaires. L’enjeu est d’autant plus central que ce secteur d’activité est structurant pour les espaces métropolitains, tout autant que peut l’être l’agro-industrie dans les espaces ruraux. Les deux monstres avancent d’ailleurs main dans la main, comme le démontrent plusieurs luttes émergentes qui sont liées à Stop Greendock. Le projet pharaonique (et désastreux) du Canal Seine Nord Europe est par exemple une infrastructure logistique gigantesque dont l’objectif est d’accroître l’exportation des céréales de l’agro-industrie, produisant à la fois de l’artificialisation des terres sur son trajet, de l’accaparement des terres en amont de la filière et encore plus d’emplois précaires pour la région nord. Des syndicats paysans tout autant que des syndicats de salariés ont rejoint la mobilisation, ce qui crée un nouveau pont entre défense des territoires et luttes du travail. Adapter ainsi nos alliances aux contextes locaux, pour finalement les mettre en lien, est une perspective réjouissante pour renforcer nos ancrages, défendre nos lieux de vie et de travail mais aussi pour contrer la montée du fascisme12. Désormais bien ancrés dans les territoires, les comités locaux des Soulèvements ont sans aucun doute leur rôle à jouer.
Notes
1 Le groupe Geodis proposait des hausses de salaires inégales, dans une stratégie claire de division du collectif.
2 Un récit de ce débat a été proposé par Révolution Permanente.
3 Pour un retour sur les cycles de lutte qui ont traversé l’entrepôt depuis 2015, un article de Rapport de Force.
4 Voir l’appel à manifestation et le teaser vidéo.
5 La formulation est empruntée à Julien Troccaz, co-responsable de la Fédération Sud-Rail, qui l’utilise pour contourner la froideur stratégique du concept d’alliance sans en revenir à la mollesse consensuelle de celui de convergence.
6 L’implication des Geodis dans le mouvement des Gilets-Jaunes a été racontée dans cet entretien.
7 Sur la pratique de l’enquête militante, on peut lire cet article de 2019 qui évoque déjà le soutien aux ouvrier·es Geodis.
8 Soulèvements de la terre, Premières secousses, La fabrique, 2024.
9 Voir la vidéo réalisée par les camarades du media Fracas.
10 Les activités du comité Plaine Tempête (Soulèvements banlieue nord) ainsi que les premiers résultats du contre-projet sont disponibles ici : https://linktr.ee/seinetempete
11 Voir par exemple cette vidéo du collectif pour une Sécurité sociale de l'alimentation.
12 C’est notamment l’hypothèse défendue par les camarades de Terres de Lutte dans cet appel.